This is a translation in French. You can also read the original English version.
January 28, 2021
Le 24 Novembre 2020
Version originale anglaise de Jamal Nasir, Brooke Wolford et Kumar Veerapen, avec rédactions d’Emi Harry, Atanu Kumar Dutta, et Rachel Liao.
Traduction française par Palwendé Romuald Boua, Guillaume Butler-Laporte, Marie-Julie Favé, Laurent Francioli, Audrey Lemaçon, Sophie Limou, et Isabelle Migeotte au nom de la COVID-19 HGI.
Note: La COVID-19 Host Genetics Initiative (HGI) est un consortium formé de plus de 1000 chercheurs de plus de 54 pays collaborant pour partager données et idées, recruter des patients et diffuser les résultats de leurs analyses. Pour un résumé des méthodes et résultats du 2 juillet 2020, vous pouvez vous référer au premier article de notre blog (inaugural blog post). Nos résultats évoluent rapidement, et nous les résumons périodiquement sur notre blog (blog posts) et sur la section des résultats (results) de notre site web. De plus, le but de cet article étant de vulgariser nos efforts, n’hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions sur son contenu ou le vocabulaire utilisé et nous serons heureux d’y apporter toute clarification nécessaire (hgi-faq@icda.bio). Lors des prochaines semaines, nous ajouterons aussi des informations additionnelles expliquant certains concepts ou terminologies utilisés par la COVID-19 HGI. En attendant, nous vous invitons à visiter cette ressource pour une revue des principes de base de la génétique (this, et en français).
En juillet, nous rapportions avoir identifié des régions du génome humain associées avec les cas de COVID-19 sévère (voir l’onglet « Release 3 » ici results here) grâce à nos études d’association pangénomique (Genome Wide Association Study-GWAS) sur 3199 patients avec la COVID-19 et 897 488 patients contrôles (voir notre résumé vulgarisé blog post pour plus d’information). En combinant les données de 34 cohortes réparties sur 16 pays, la quantité de cas s’est maintenant quasiment décuplée, atteignant plus de 30 000 patients. La quantité de patients contrôles a aussi augmentée à près de 1,47 million. La liste des cohortes partenaires est disponible ici (here), et un sommaire de nos données est présenté dans la Figure 1.
Figure 1: Définition de nos patients cas et patients contrôles pour chacune de nos analyses. À noter que le virus SARS-CoV-2 est responsable de la COVID-19. Figure adaptée de la présentation d’Andrea Ganna à l’American Society of Human Genetics en Octobre dernier (Andrea Ganna’s presentation).
Qu’est-ce qu’une quantité plus élevée de patients a apporté à nos résultats? Nous sommes maintenant en mesure de présenter des évidences robustes d’associations claires entre une COVID-19 sévère et sept régions du génome situées sur les chromosomes 3, 6, 9, 12, 19 et 21 (Figure 2), ainsi qu’un signal additionnel sur le chromosome 3 associé avec une susceptibilité partielle à la COVID-19 (Figure 3). Ces nouvelles découvertes sont le fruit de notre collaboration avec de nombreux partenaires qui ont pu partager des données de haute qualité avec notre consortium. Plusieurs régions du génome nouvellement associées avec la COVID-19 ont d’ailleurs été découvertes grâce à l’étude GenOMICC (Genetics of Mortality in Critical Case - Pairo-Castineira et al), qui nous a permis de doubler la quantité de patients sévèrement malades inclus dans notre étude.
De nouvelles découvertes impliquent l'immunité et la fonction pulmonaire comme contributeurs possibles au développement d'un COVID-19 sévère
Le dernier GWAS a identifié de manière robuste des régions dans sept régions chromosomiques différentes qui ont renforcé l’hypothèse que la gravité de la COVID-19 pouvait être attribuée à une fragilité du système immunitaire. Nous avons effectué une analyse pour associer les régions chromosomiques aux patients présentant des symptômes sévères de la COVID-19 (c'est-à-dire les patients hospitalisés). Nous avons identifié des régions sur les chromosomes 3, 6, 9, 12, 19 et 21 (Figure 2) abritant des gènes qui régulent l'immunité ou qui jouent un rôle dans les maladies pulmonaires. Que signifie chacune de ces régions chromosomiques ?
Figure 2. Un graphique de Manhattan montrant les résultats du GWAS pour la sévérité de la COVID-19 dans 8638 cas COVID-19 hospitalisés de et 1,7 million de cas témoins. L'analyse a identifié des associations significatives indépendantes comme indiqué par des encadrés rouges autour de «pics» génétiques s'élevant au-dessus de la ligne horizontale rouge qui représente le seuil de valeur p statistique prédéterminé. Ceci s'ajoute à notre association précédemment rapportée sur le chromosome 3. Les loci sont marqués par le(s) gène(s) voisin(s) avec une explication biologique potentielle. Voir la note de bas de page de notre premier article de blog pour une explication de cette méthode visualisation de données.
Nous avons répliqué les résultats précédents de juillet 2020, où nous avions identifié une association entre des variantes génétiques sur le chromosome 3 et la sévérité et la susceptibilité partielle à la COVID-19. (Cette région a également été signalée dans d'autres études récentes, notamment Ellinghaus et al, Shelton et al, Pairo-Castineira et al et Roberts et al.) Cette région du chromosome 3 est localisée à proximité de plusieurs gènes bien connus liés à l’immunité, comme des récepteurs aux chimiokines , dont CXCR6, CCR1, CCR3 et CCR9.
Nous avons identifié des variantes génétiques dans une région très proche du gène FOXP4 (sur le chromosome 6) qui joue un rôle dans le développement du cancer du poumon. Il convient de noter que les variantes génétiques associées à la sévérité de la COVID-19 dans notre étude ont une fréquence plus élevée dans certaines populations que dans d'autres. Les généticiens utilisent les fréquences des variantes génétiques pour estimer les effets potentiels de ces variantes sur un trait ou une maladie donnés. Plus une variante est rare, plus elle est susceptible de présenter un risque pour un trait ou une maladie. La variante génétique identifiée à proximité de FOXP4 est considérée comme rare chez les Européens, où elle apparaît dans 1% de la population. Cependant, elle apparaît plus fréquemment au sein des populations d'Asie de l'Est (39%) et hispanique/latino (18%), dès lors nous ne comprenons pas encore l'effet que cela peut avoir sur la gravité de la COVID-19.
De plus, nous avons identifié une deuxième région indépendante sur le chromosome 6 dans le complexe majeur d'histocompatibilité (CMH), une région contenant des gènes qui codent pour des protéines importantes du système immunitaire. Cependant, l'effet attribué à cette région était très différent d'une étude à l’autre (hétérogénéité) et nous ne savons pas si ce signal est spécifique à une population particulière.
Vous avez probablement entendu (aux informations) qu’il existe une association entre groupe sanguin et COVID-19: le groupe sanguin A conférant un risque plus élevé et le type O étant protecteur. Cela a été publié dans le New England Journal of Medicine et une pré-publication de l'étude 23andMe. Dans notre premier article de blog, nous avons signalé que la COVID-19 HGI n'avait pas identifié la région sur le chromosome 9 appelée région du groupe sanguin ABO. Maintenant, avec le doublement de la taille de notre échantillon, nous observons une association génétique protectrice dans cette région. Cependant, similaire à l'association CMH observée sur le chromosome 6, cette association était très hétérogène (différente d'une étude à l’autre) et nous ne savons pas si ce signal est spécifique à une certaine sous-population de patients.
Sur le chromosome 12, nous avons identifié des associations proches du groupe de gènes OAS qui codent pour des activateurs d'enzymes de restriction antivirales agissant comme mécanisme de protection contre les virus. Il a été précédemment montré que les variants génétiques dans cette région étaient associés à la leucémie lymphoïde chronique avec un effet protecteur.
Nous avons identifié deux régions sur le chromosome 19. La première est proche du gène DPP9, connu pour être impliqué dans un risque accru de fibrose pulmonaire. Curieusement, la protéine DPP9 est étroitement liée à la protéine DPP4, qui est la protéine qui affecte la capacité d'un autre coronavirus à pénétrer dans les cellules humaines - le virus qui cause le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS).
La deuxième région génomique identifiée sur le chromosome 19 comprend une variante génétique proche du gène TYK2. Des variantes du gène TYK2 ont déjà été observées chez des patients atteints de syndrome d'immunodéficience primaire - condition dans laquelle un individu a une réponse altérée à la stimulation du système immunitaire et une sensibilité accrue aux infections virales.
Un variant génétique bien connu de TYK2 est associé à une diminution du risque pour plusieurs maladies auto-immunes (e.g. le lupus et la polyarthrite rhumatoïde) chez les personnes porteuses de ce variant génétique (tous les variants génétiques ne sont pas néfastes et celui-ci protège de la maladie). Ce même variant du gène TYK2 est significativement associé à une augmentation du risque de sévérité de la COVID-19 dans notre étude. Bien que les traitements existants pour les maladies auto-immunes qui ciblent TYK2 pourraient être considérés pour traiter la COVID-19, des recherches supplémentaires sont nécessaires car le variant génétique de TYK2 a un effet opposé entre maladies auto-immunes (diminution du risque) et COVID-19 (augmentation du risque).
Enfin, l'association sur le chromosome 21 est proche des gènes IFNAR2 et IL10RB. Nous notons que ce signal est plutôt intéressant car le gène IFNAR2 code pour une sous-unité d'une molécule immunologique appelée récepteur à l’interféron qui est importante pour l'immunité antivirale. Des essais cliniques sont en cours pour tester l'utilisation des interférons comme traitement pour les patients en début d’infection de COVID-19, mais il reste beaucoup d’inconnu. Fait intéressant, nous avons également constaté que le variant génétique associé aux patients atteints de la forme sévère de la COVID-19 était plus significativement observé chez les femmes que chez les hommes. D’ailleurs, nous améliorons notre collection d'échantillons parmi les partenaires contributeurs afin d’inclure la recherche de biais liés au genre dans les associations génétiques avec l’hospitalisation pour COVID-19.
Le consortium COVID-19 HGI a également effectué une analyse d’association génétique chez des patients présentant une susceptibilité partielle au COVID-19 (c'est-à-dire des patients testés positifs au COVID-19 mais n’ayant pas été hospitalisés). Nous avons identifié des régions sur les chromosomes 3, 9 et 21 (Figure 3). La plupart de ces régions chevauchent celles identifiées dans notre analyse d’association sur la sévérité du COVID-19 (Figure 2). Cependant, nous avons également identifié une région supplémentaire sur le chromosome 3 contenant plusieurs gènes, et ne savons pas à ce stade lequel de ces gènes est à l'origine de l’association (encadré rouge sur la Figure 3).
Figure 3. Graphique de Manhattan présentant les résultats de l’étude GWAS pour la susceptibilité partielle au COVID-19 dans 30 937 cas de COVID-19 et 1,5 million de contrôles. En plus des régions précédemment associées à la sévérité du COVID-19 sur les chromosomes 3, 9 et 21, cette analyse a identifié une association significative indépendante et spécifique de la susceptibilité partielle au COVID-19 (indiquée par un encadré rouge parmi les «pics» d’associations génétiques s’élevant au-dessus de la ligne horizontale rouge représentant le seuil de significativité statistique des p-valeurs). Pour de plus amples explications sur ce type de représentation des résultats, merci de vous référer à la note de bas de page située dans notre premier article de blog.
Nous sommes ravis d'annoncer que nos dernières découvertes contribuent à l’explication d’une potentielle étiologie génétique au développement de la COVID-19 sévère. Cependant, il est important de garder à l’esprit que, si ce GWAS nous aide à identifier ces régions, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer les gènes spécifiques responsables dans ces régions, et les mécanismes biologiques impliqués dans la gravité de la maladie.
Nos derniers résultats sont cohérents avec ceux d’autres études et fournissent des preuves supplémentaires que la variation génétique humaine peut avoir un impact sur le développement d'une COVID-19 sévère, probablement en influençant la réponse immunitaire chez une personne infectée par le SRAS-CoV-2. Plusieurs équipes de scientifiques utilisent les résultats de ce GWAS pour des analyses de suivi afin de découvrir les voies biochimiques impliquées dans la COVID-19 sévère. Ceux-ci peuvent fournir des indices pour comprendre la progression de la maladie et ainsi contribuer à la compréhension clinique et à la prise en charge des patients. Les analyses de suivi en cours aident également à identifier le gène causal unique lorsqu'une région associée comporte de nombreux gènes, comme sur le chromosome 3, et à identifier les tissus potentiellement affectés par ces variantes génétiques (pour en savoir plus, lisez cet article récent destiné aux scientifiques).
Comme l'illustre l'augmentation des cas dans notre étude de juillet à octobre, nous continuons à élargir nos données. Lors du prochain gel des données en décembre 2020, nous répéterons notre analyse avec une taille d'échantillon accrue qui, nous l'espérons, reproduira nos résultats actuels et identifiera potentiellement de nouvelles variantes génétiques associées à la COVID-19. De plus, nous continuons d’affiner la façon dont nous définissons les cas et les contrôles pour les futures analyses. Grâce à ces études génétiques supplémentaires, nous espérons pouvoir améliorer la compréhension de la façon dont la variation génétique influence la gravité et la sensibilité partielle de la COVID-19.
Merci à Shea Andrews et Andrea Ganna pour leurs excellents commentaires et révisions. Nous tenons particulièrement à remercier toutes les études qui ont contribué aux résultats de notre étude (Figure 4).
Figure 4: Liste des partenaires qui ont contribué à la COVID-19 HGI. Adapté de la présentation d'Andrea Ganna sur la COVID-19 HGI à l'American Society of Human Genetics Meeting en octobre 2020.